Créer un projet pour notre communauté dans l’urgence

L’année 2020 a été marquée par des changements majeurs dans notre mode et rythme de vie. En cause, la pandémie mondiale de Covid-19 dont nous subissons encore les conséquences aujourd’hui. Cet événement inédit a créé de nouvelles contraintes et a forcé chacun de nous à s’adapter du jour au lendemain à cette nouvelle situation : confinement, télétravail, perte de lien avec ses proches…

Les différentes sections locales de la Jeune Chambre Internationale de part le monde ont comme tout le monde dû adapter leur mode de fonctionnement et ont bien souvent tourné au ralenti. Toutefois, en tant qu’organisation de jeunes citoyens actifs, ayant pour mission (parmi d’autres) de créer des projets impactant positivement la communauté dans laquelle nous vivons, il nous était impossible de ne pas continuer à réaliser des projets en ce sens.

En octobre 2020, les élèves de primaire et de secondaire se retrouvent à devoir suivre leur cours à distance. Cette nouvelle situation génère de grande inégalité entre les enfants disposant de ressources informatiques adaptées, ceux disposant de matériel inadapté au suivi des cours et ceux qui n’en possèdent pas du tout. J’ai alors eu l’idée de créer une action que nous avons appelé les « ordis de la réussite ». Cette action a eu pour but de collecter du matériel informatique d’occasion, le remettre à niveau et le distribuer dans les écoles qui les alloueront finalement aux élèves en ayant besoin.

Cet article est un retour d’expérience sur ce projet que j’ai eu la chance de mettre en place avec ma section local, JCI Arlon. Je ne prétends pas que ma manière de fonctionner ait été parfaite, ni qu’elle doive être suivie au pied de la lettre. J’espère, cependant, que vous y trouverez quelques conseils sur la mise en place de projets communautaires dans le cas d’une situation d’urgence qui pourront vous servir.

La première idée

Mardi 7 octobre 2020, je me réveille au son de la radio, les infos annoncent qu’un nème confinement pourrait être déclaré… Super… Je me dirige vers la salle de bain et rentre dans la douche pour commencer ma journée (les bonnes idées arrivent souvent sous la douche ou autour d’un verre :D) et je réfléchis aux conséquences que ce confinement pourrait une nouvelle fois avoir. Petite pensée pour les enfants qui vont devoir suivre les cours à distance et aussi pour ceux qui ne pourront pas le faire par manque de moyens informatiques. Puis soudain l’étincelle ! Mais on peut essayer de faire quelque chose à cette situation en fait ! En collectant du matériel informatique usagé, en le remettant à niveau (un de nos membre possède un magasin d’informatique) et en le distribuant aux enfants via les écoles. Je sors de la douche et envoie un message à mon président pour lui demander un temps de parole à notre assemblé générale qui avait lieu le soir même.

Ce soir-là, je présente mon idée à l’assemblé et propose de faire un brainstorming pour définir un cadre au projet. J’insiste également sur le fait que les personnes intéressées par le projet doivent être assez disponible dans les semaines à venir car ça va être intensif. Neuf personnes sont intéressées à participer à ce brainstorming qui aura lieu dans la semaine. C’est un premier pas, nous avons une équipe !

Le cadre JCI du citoyen actif

Je commence la préparation du brainstorming et pense à utiliser un document que j’avais écrit durant l’été pour un autre projet basé sur le Cadre JCI du citoyen actif, mon expérience business plan/business model Canvas. Le Cadre JCI du citoyen actif est un cadre utilisé dans notre organisation pour réaliser des projets, les rendre durables dans le temps et en retirer les enseignements. Ce dernier se divise en 4 parties : Analyser, faire une analyse des besoins de la communauté visée ; Développer, élaborer un plan d’action précis et une répartition des tâches équitable ; Exécuter, mettre en place le plan d’action élaboré ; Examiner, suivre et pouvoir tirer les conclusions des actions menées. Dans ce document, chaque section est compartimentée avec des éléments du business model Canvas pour s’assure d’être complet.

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Le brainstorming se déroule bien, le document est complété et chacun repart avec des tâches et des responsabilités précises : contact école, promotion, design du logo, communication etc…

Les premières semaines

En 3 semaines le projet est lancé, l’équipe est enthousiaste et prête à s’activer ! Les semaines passent, nous partageons sur les réseaux sociaux et nous en parlons activement autour de nous. Nous recevons les premiers ordinateurs et les remettons en ordre. Toutefois, on constate que le matériel ne se presse pas aux portillons… Du coté des écoles, nous recevons quelques réponses concernant nos mails pour connaître leur demande. Certaines écoles n’ont pas de besoins, d’autres doivent sonder leur direction et leurs élèves, la plupart de nos mails restent sans réponses… C’est l’incompréhension dans l’équipe… Nous entendons ou voyons partout dans la presse que le besoin est énorme mais il est très difficile d’avoir des contact avec les écoles. Un genre de découragement s’installe surtout que les fêtes de fin d’année approchent et qu’il sera alors impossible de joindre les infrastructures scolaires… Les semaines se suivent et se ressemblent nous recevons du matériel mais en quantité limitée… Les fêtes arrivent et nous décidons de faire une réunion début janvier avant la rentrée dédiée à la partie Examiner du Cadre JCI du citoyen actif.

L’évaluation et le succès

Début janvier, notre réunion a lieu et nous tirons des nombreux enseignements : canaux de communication pas optimaux, communication à revoir, solution à adapter et équipe à réduire car tout les membres n’avaient plus la disponibilité du début. Nous repartons au charbon à 4, la motivation est revenue suite à notre réunion et l’équipe y croit !

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Deux semaines après cette réunion, nous recevons entre 15 et 20 ordinateurs par semaine, le prestataire informatique partenaire du projet me demande de venir en retirer car leur capacité maximale est atteinte, 5 écoles se sont manifestées avec des demandes ! L’équipe est aux anges ! Les semaines suivantes nous sommes contactés par des entreprises pour nous donner du matériel, la maison des jeunes, le plan de cohésion sociale et le CPAS d’Arlon ainsi que d’autres écoles pour recevoir du matériel. Nous recevons le soutien de la ville d’Arlon. La maison de la laïcité devient un point de dépôt supplémentaire et l’espace publique numérique d’Arlon se propose de remettre en état une partie du matériel. Nous entreprenons d’étendre le projet en contactant la province de Luxembourg ainsi que les autres sections JCI de la Wallonie et de Bruxelles mais dans le même temps nous arrivons au mois d’avril et les enfants commencent à retourner à l’école. Les demandes s’essoufflent et les dons également, nous comprenons que ce besoin (du moins lié à la crise Covid) se dissipe peu à peu et que notre projet tend vers la fin. Sur ces quelques mois nous avons été capables de livrer plus de 200 pièces informatiques dans une dizaine d’institutions et c’est une grande satisfaction pour l’équipe !

Conclusion

Quand je regarde en arrière vers ce projet, je me rends compte qu’il nous a appris beaucoup et je pense pouvoir mettre en évidence trois points qui ont été crucial dans sa bonne exécution et globalement dans la réponse à donner à une situation urgente.

Premièrement, il est à mon sens important de s’entourer de personnes motivées et surtout ayant du temps à consacrer au projet. Nous sommes tous bénévoles et nous avons un travail, une famille et des activités en dehors du mouvement. Il est important que dans une situation d’urgence le projet soit porté par des personnes présentes car c’est de l’intensif. Il ne faut également pas hésiter à modifier l’équipe en fonction des variations de disponibilités.

Ensuite, il est primordial de bien structurer son projet. Le temps pour le réaliser est très court, il faut donc essayer d’être le plus complet possible pour ne pas devoir compléter des détails du projet en cours de route.

Enfin, il est nécessaire d’examiner très très souvent les résultats du projet et ne surtout pas hésiter à reformuler les hypothèses de départ. Ces hypothèses de départ sont la plupart du temps formulées sans être sur le terrain. La confrontation avec le terrain va vous donner de nouvelles informations qui vous permettrons d’affiner vos hypothèses. La plus grosse erreur que nous aurions pu commettre aurait été de ne pas revenir au départ étant donné que nous étions sûr que le besoin était présent.

Sur ce dernier point j’ai beaucoup appris et je ne pense pas avoir été assez rapide à mon goût pour revenir en arrière. Cependant… Un des crédo de la JCI étant Learning by doing, je me dis que je n’ai rien perdu au contraire surtout que le projet a été une réussite.

Je finirai par remercier l’ensemble des personnes qui ont participé à ce projet, ça a été une sacrée organisation !

Maxime Delmée, membre de JCI Arlon

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